Les chevaux s’appuient fortement sur leur vue pour comprendre et interpréter leur environnement. Cela fait de leurs yeux des organes à la fois extrêmement sensibles et essentiels. La vision leur permet de détecter le danger et de se sentir en sécurité. Lorsqu’un trouble oculaire apparaît, il peut non seulement affecter la qualité de la vision, mais aussi impacter le bien-être général, le comportement et les performances du cheval.
Dans cet article, je vous invite à plonger dans le monde de l’ophtalmologie équine. Nous y explorerons les affections oculaires les plus fréquentes, mais également certaines plus rares. Quelles en sont les causes ? Quels symptômes observer ? Et surtout, quelles sont les options de traitement disponibles ?

Pourquoi les problèmes oculaires chez les chevaux sont-ils si importants ?
Les yeux du cheval sont situés de chaque côté de la tête, ce qui leur offre un champ de vision de près de 350 degrés. Cette particularité les rend extrêmement sensibles aux stimuli visuels.
Cela signifie aussi qu’un problème touchant un seul œil peut avoir un impact considérable sur leur sentiment de sécurité et de confiance. De plus, de nombreuses affections oculaires peuvent s’aggraver rapidement si elles ne sont pas détectées et traitées à temps.
Les problèmes oculaires les plus fréquents chez les chevaux
1. Uvéite récurrente équine (URE), aussi appelée cécité lunaire
L’uvéite récurrente équine est l’une des affections oculaires les plus redoutées chez le cheval. Plus connue sous le nom de cécité lunaire, cette maladie se manifeste par des inflammations répétées de l’uvée, une membrane située à l’intérieur de l’œil. Elle peut provoquer des lésions importantes aux structures internes de l’œil si elle n’est pas prise en charge rapidement.
La cause est souvent d’origine auto-immune : le système immunitaire du cheval attaque ses propres tissus oculaires, généralement à la suite d’une infection, comme celle causée par la bactérie Leptospira. Les premiers signes peuvent sembler anodins – œil larmoyant, sensibilité à la lumière – mais la maladie peut évoluer vers une opacité de l’œil, un changement de couleur de l’iris, voire une perte totale de la vision.
Il est difficile de prévenir cette pathologie, mais une détection précoce et un traitement rapide à base d’anti-inflammatoires peuvent ralentir son évolution. Dans les cas les plus sévères, une vitrectomie (ablation du corps vitré) peut être envisagée.
2. Ulcères de la cornée
Les ulcères cornéens apparaissent généralement à la suite d’un traumatisme : une branche, un coup, ou même une poussière peuvent suffire à endommager la cornée. C’est une partie de l’œil extrêmement sensible, et la moindre lésion peut provoquer une douleur intense.
Les signes d’un ulcère incluent un clignement fréquent, un œil qui pleure beaucoup, un gonflement des paupières et parfois un voile blanchâtre ou bleuté sur l’œil. Le danger principal réside dans le risque d’infection : bactéries ou champignons peuvent s’introduire dans la plaie et entraîner des complications graves. Un traitement rapide à base de collyres antibiotiques ou antifongiques est indispensable. Parfois, une intervention chirurgicale est nécessaire pour réparer les tissus endommagés.
3. Conjonctivite
La conjonctivite, inflammation de la membrane entourant l’œil, est assez fréquente chez les chevaux. Elle peut être causée par des irritants comme la poussière, le pollen, le vent ou encore les insectes. Des infections bactériennes peuvent également être à l’origine de cette affection.
Les symptômes typiques sont des paupières rouges, enflées, et un écoulement oculaire. Bien que généralement bénigne, une conjonctivite peut parfois cacher un problème plus sérieux. Le traitement repose sur un nettoyage soigneux de l’œil, l’application de collyres adaptés, et si nécessaire, des antibiotiques. Pour les chevaux particulièrement sensibles, un masque anti-mouches peut être une bonne mesure préventive.
4. Cataracte
La cataracte est une opacification du cristallin qui altère progressivement la vision. Elle peut être présente dès la naissance, notamment chez certains poulains, ou se développer plus tard, à la suite d’un traumatisme, du vieillissement ou d’une uvéite récurrente.
Dans les cas légers, le cheval conserve une vision fonctionnelle, mais lorsque la cataracte est avancée, elle peut entraîner une cécité totale. Il est possible d’avoir recours à une opération chirurgicale pour retirer le cristallin, mais cette intervention reste encore rare chez les chevaux, notamment en raison de sa complexité et de son coût.
5. Carcinome épidermoïde (SCC)
Cette tumeur maligne touche principalement les chevaux à la peau claire, notamment autour des yeux, comme les Haflingers ou les Appaloosas. Le carcinome épidermoïde (SCC) se développe souvent sur la membrane nictitante (troisième paupière) ou la conjonctive. Il débute généralement sous la forme d’un petit ulcère persistant ou d’une masse, qui peut s’étendre lentement.
Un diagnostic rapide par biopsie est essentiel. Le traitement repose sur une exérèse chirurgicale, éventuellement associée à de la cryothérapie ou à de la radiothérapie. Une détection précoce augmente considérablement les chances de guérison.
6. Autres tumeurs oculaires
Outre le SCC, d’autres types de tumeurs peuvent se développer autour de l’œil, comme les mélanomes ou les lymphomes. Elles apparaissent principalement chez les chevaux gris, souvent bénignes, mais parfois envahissantes, notamment au niveau des paupières ou des glandes lacrymales.
Ces tumeurs peuvent perturber la fonction oculaire ou endommager l’œil à mesure qu’elles grossissent. Le traitement dépend du type de tumeur et de sa localisation, et peut aller d’une intervention chirurgicale à un traitement médicamenteux.
Affections oculaires rares ou peu connues chez les chevaux
Bien qu’elles soient moins fréquentes, certaines maladies oculaires peuvent s’avérer tout aussi graves :
- Glaucome : une augmentation de la pression intraoculaire, souvent une complication de l’uvéite récurrente. Non traitée, elle peut entraîner la cécité.
- Kératomycose : une infection fongique de la cornée, généralement consécutive à un traumatisme dans un environnement chaud ou poussiéreux. Très difficile à traiter.
- Entropion : une malformation congénitale où la paupière se retourne vers l’intérieur, provoquant une irritation constante de la cornée.
Diagnostic : comment identifier un problème oculaire chez le cheval ?
Le vétérinaire procède à un examen ophtalmologique complet, en utilisant notamment :
- Une coloration à la fluorescéine, pour révéler les lésions de la cornée
- Une tonométrie, pour mesurer la pression oculaire
- Une ophtalmoscopie, pour inspecter la rétine et le nerf optique
- Une échographie, si la vue sur l’intérieur de l’œil est obstruée
Traitement : adapté à chaque cas
Le traitement dépend entièrement de la cause identifiée.
Les infections sont prises en charge à l’aide d’antibiotiques ou d’antifongiques, les inflammations avec des corticoïdes ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), et certaines pathologies nécessitent une intervention chirurgicale.
Le repos, l’utilisation de masques anti-mouches, et parfois l’isolement temporaire, contribuent au confort et à la guérison du cheval.
Prévention : ce que vous pouvez faire en tant que propriétaire
- Inspectez les yeux de votre cheval quotidiennement
- Utilisez un masque anti-mouches pendant la saison estivale, surtout si votre cheval a les yeux sensibles
- Veillez à maintenir un environnement propre et sans poussière dans l’écurie
- Évitez les objets dangereux ou à bords tranchants dans la paddock ou le box
- En cas de doute, consultez immédiatement un vétérinaire
Les problèmes oculaires chez le cheval peuvent aller de bénins à très handicapants. Une détection rapide, un diagnostic précis et un traitement adapté sont essentiels pour préserver la vision et le bien-être du cheval. En tant que propriétaire, rester attentif peut faire toute la différence — car lorsqu’il s’agit des yeux, plus l’on agit vite, meilleure est la guérison.